14 Oct Bars et restaurants : comment embaucher légalement des musiciens
En tant que musicien qui aime jouer dans les bars, on est souvent confronté à la même problématique : l’établissement a un budget limité et le musicien professionnel veut et doit respecter la Convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant. Cela donne lieu à des négociations et des débats que je ne souhaite pas aborder ici. Je veux simplement énumérer, à l’attention des patrons d’établissement, les possibilités légales pour faire appel à des musiciens professionnels.
Il y a 4 points à connaître pour avoir toutes les cartes en mains :
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- comment fonctionner par contrat de cession avec une boîte de production ?
- qu’est-ce que le G.U.S.O. et comment l’utiliser ?
- qu’est-ce que le G.I.P. Cafés Cultures ?
- intérêt des licences d’entrepreneur du spectacle.
Contrat de cession avec une boîte de production
Dans le cas courant où le restaurateur n’a pas de licence d’entrepreneur du spectacle, il peut faire un contrat de cession avec une boîte de production. Celle-ci possède les différentes licences pour pouvoir organiser un spectacle et embaucher des artistes et techniciens. Le contrat de cession (du droit d’exploitation d’un spectacle) définit les interfaces et les responsabilités de chacun, ainsi que les termes de l’accord (tarif, horaires, catering, technique, etc…). Ensuite la boîte de production emploie les musiciens en C.D.D.U. (CDD d’usage) et les rémunère en respectant la convention collective à laquelle elle adhère.
En général les cotisations sociales des boîtes de productions sont élevées.Et elles prennent souvent une commission de l’ordre de 8% à 10% du montant du contrat. Ce n’est donc pas la solution la moins chère, mais c’est très solide.Et c’est rassurant pour chaque partie de signer un contrat dès que le marché est conclu, sans avoir à attendre le jour J. Autre avantage : sur le plan administratif, l’organisateur du spectacle (patron de bar ou autre) a juste à signer le contrat et régler la facture. Aucune autre démarche.
Embaucher des musiciens via le G.U.S.O.
Les particuliers ou les établissements dont l’activité principale n’est pas l’organisation de spectacle et qui n’ont pas la licence d’entrepreneur du spectacle pour employer des musiciens peuvent utiliser le G.U.S.O. : le Guichet Unique du Spectacle Occasionnel (site web : www.guso.fr).
Fonctionnement du G.U.S.O.
Ce guichet unique simplifie les démarches et répartit lui même les cotisations aux différents organismes. Du point de vue de l’employeur il y a quand même quelques démarches à faire :
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- s’inscrire au G.U.S.O. (la première fois uniquement),
- préremplir un formulaire pour chaque musicien embauché (beaucoup de musiciens ont déjà un numéro d’identification G.U.S.O. qui permet d’éviter de remplir toutes les données administratives à chaque fois). Attention à bien spécifier certains détails (cachet ou nombre d’heures, abattement ou frais réels, etc…), le musicien peut vous aider au début,
- signer et faire signer à chaque musicien les différents exemplaires du formulaire,
- le G.U.S.O. calcule la répartition entre salaire net et cotisations. Vous réglez ensuite le salaire net à chaque musicien, et la totalité des cotisations au G.U.S.O.
- ouf c’est fini ! C’est laborieux la première fois. Mais si vous l’utilisez régulièrement ça devient vite une formalité grâce aux numéros de musiciens ou d’employeur, aux signatures électroniques, RIB etc…
Avantages et limites du G.U.S.O.
Les avantages du G.U.S.O. sont le coût moins important qu’un contrat avec une boîte de production, ainsi que la possibilité de le combiner avec des subventions assez intéressantes : le G.I.P. Cafés Culture (cf ci-dessous).
Les inconvénients du G.U.S.O. sont les démarches à faire soi-même (quand même limitées le plus possible) mais surtout le fait que c’est limité à 6 concerts par an.
Au delà de 6 concerts il faut la licence d’entrepreneur du spectacle qui permet à votre établissement d’accueillir des spectacles. En ce qui concerne l’embauche des musiciens vous pouvez continuer à utiliser le G.U.S.O. (toujours plus simple que de répartir vous-même les charges sociales auprès des diverses caisses, qui plus est pour des musiciens dans une convention collective autre que HCR). Les licences d’entrepreneur du spectacle se demandent auprès de le D.R.A.C. de votre région (Direction Régionale des Affaires Culturelles). Le dossier est simple à monter mais c’est encore de la paperasse et du temps à attendre.
A ce point là vous êtes peut-être découragé par le G.U.S.O., mais repensez au contrat de cession avec une boîte de production qui s’occupe de tout l’administratif !
Cela dit, si vous souhaitez organiser plus de 6 concerts par an, c’est que la programmation musicale prend une place importante dans votre activité. Cela vaut peut-être le coup de se renseigner sur l’obtention des licences d’entrepreneur du spectacle. C’est beaucoup plus propre et solide, cela ouvre la porte à de nombreuses possibilités (d’aides notamment). Cela change aussi votre rapport avec les musiciens et donc la qualité de votre programmation. Beaucoup de bars ont déjà passé le cap.
Le G.I.P. Cafés Cultures
C’est un groupement d’intérêt public qui gère un fonds d’aide destiné à favoriser l’emploi artistique dans les cafés et restaurants. Ce fonds est financé par les collectivités territoriales qui souhaitent déployer ce dispositif sur leur territoire et par des partenaires. Le G.I.P. Cafés Cultures fonctionne en lien avec le G.U.S.O. pour vous simplifier au maximum vos démarches. Tous les départements ou les villes ne participent pas à ce dispositif, et donc n’en bénéficient pas, mais il est tout de même très étendu. Vous pouvez vérifier si votre commune y a accès et tous les détails et explications sont sur le site web très clair : gipcafescultures.fr.
Conditions pour toucher cet aide
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- les musiciens doivent être employés via le G.U.S.O. et leurs rémunérations respecter le minimum brut indiqué par la Convention Collective Nationale du Spectacle Vivant Privé (104.5 eur brut actuellement).
- L’établissement doit relever de la Convention Collective des HCR,
- il doit être détenteur d’une licence de débit de boisson ou restaurant
- il doit être un Établissement Recevant du Public (ERP) de type N catégorie 5 (jauge inférieure à 200 places)
- à partir de 7 spectacles par an, il doit être détenteur de la licence d’entrepreneurs de spectacles
L’aide que l’on peut toucher est très importante : de 39% de la masse salariale pour un solo à 65% pour 6 musiciens ! Cela lisse considérablement les dépenses, ramène les prix d’un 5tet ou 6tet dans la même zone que des groupes plus petits. Cela fait rentrer le tarif d’un groupe, en toute légalité, dans des fourchettes de dépenses soutenables. Dépenses que certains établissements comptaient consacrer à un groupe en le payant au noir ou je ne sais quel autre procédé tordu.
L’aide sur l’année est plafonnée par établissement. Mais c’est parfois suffisant pour faire beaucoup de concerts en gérant bien ses choix de programmation. Le plafond dépend de votre région. Il me semble que c’est assez important à Lyon et très élevé à Paris. Et il est sûrement négociable si les établissements démarchent collectivement la D.R.A.C..
D’un point de vue pratique
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- la première fois vous devez créer un compte sur le site gipcafescultures.fr,
- vous déclarez le concert en ligne,
- une fois que les cotisations sociales ont bien été versées au G.U.S.O., celui-ci le notifie au G.I.P. Cafés Cultures qui vous verse automatiquement l’aide correspondant.
La licence d’entrepreneur du spectacle
Etre détenteur d’une licence d’entrepreneur du spectacle est obligatoire pour toute structure dont l’activité principale est la production ou la diffusion de spectacle ou l’exploitation de lieu de spectacle. Si c’est une activité secondaire, par exemple pour les établissement HCR, une licence est obligatoire à partir de 7 spectacles par an. Ce n’est pas obligatoire jusqu’à 6 spectacles par an.
Vous trouverez toutes les informations précises à l’adresse suivante : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F22365.
En résumé, il existe trois catégories de licences d’entrepreneur du spectacle suivant l’activité que l’on veut faire :
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- catégorie 1 : exploitant de lieu aménagé pour les représentations publiques.
- Catégorie 2 : producteur de spectacle, responsable du plateau artistique et de l’emploi des artistes et/ou techniciens.
- Catégorie 3 : diffuseur de spectacles ayant la charge de l’accueil du public, de la billetterie et de la sécurité.
Conditions d’obtention pour les personnes physiques ou aux représentants de personnes morales :
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- être majeur.
- Etre diplômé de l’enseignement supérieur ou avoir 1 an d’expérience professionnelle ou une formation professionnelle de 500 heures dans le spectacle vivant ou enregistré.
- Etre immatriculé au RCS.
- Avoir la capacité juridique d’exercer une activité commerciale.
- pour la licence de 1re catégorie, avoir suivi une formation relative à la sécurité des spectacles auprès d’un organisme agréé, ou justifier de la présence dans l’entreprise d’une personne formée.
La demande s’effectue auprès de la D.R.A.C. de votre région. La licence est valable pour une période de 3 ans renouvelable. Le renouvellement doit être demandé au moins 4 mois avant son expiration.
Résumé des différentes possibilités pour faire appel à des musiciens professionnels.
Vous pouvez toujours fonctionner par contrats de cession avec des boîtes de production qui s’occupent de tout l’aspect administratif. C’est un solution un peu coûteuse mais vous n’avez aucune autre démarche administrative à faire mis à part signer un contrat et régler une facture.
Pour un moindre coût vous pouvez employer les musiciens par le biais du G.U.S.O. (cf paragraphe consacré au G.U.S.O. ci-dessus), et éventuellement avoir accès à l’intéressante aide financière du G.I.P. Cafés Cultures (cf ci-dessus), moyennant quelques démarches administratives.
Jusqu’à 6 concerts par an avec le G.U.S.O vous n’avez pas besoin de licence d’entrepreneur du spectacle. A partir de 7 concerts par an avec le G.U.S.O. vous devez avoir au moins une licence de catégorie 1 pour pouvoir continuer à utiliser le G.U.S.O.
Tout ceci peut sembler un peur lourd à priori. Mais si programmer des concerts est important pour vous cela vaut la peine de faire ces quelques démarches administratives. L’attitude et l’investissement des musiciens changera nettement si vous les traitez dans les règles de l’art. Et vous pourrez également exiger du professionnalisme de leur part, ce qui est difficile si vous les traitez comme des amateurs ou des bénévoles.
Voilà maintenant vous savez tout, il ne nous reste plus qu’à passer à l’action. La musique live est une des meilleures choses à partager, c’est bénéfique à tout point de vue, individuellement et collectivement. Il y a énormément de bons musiciens locaux qui cherchent à jouer et partager leur passion. Et il y a énormément de public qui a besoin de cette sensation musicale vivante et réelle. Les bars, restaurants ou tout autre lieu de vie en commun sont les endroits où la rencontre peut s’opérer. Développons la musique live locale, même modeste.