18 Sep Circle Gipsy Quartet, Esplanade St Vincent à Vienne
Article de Jazz Rhône Alpes sur un concert chansons jazz manouche
« Le manouche a la cote. Les enfants de Django n’en finissent pas de naître et pas seulement dans les caravanes. Passablement décrié par les puristes du jazz qui voudraient ranger ces fainéants dans le bac « populaire », ou « folklorique », voire « ethnique », il n’en est pas moins une marque de fabrique du jazz français, porté sur les fonds baptismaux du Hot Club de France par Reinhardt et Grappelli en 1934, et adoubé par quelques uns des plus grands musiciens de l’époque : Coleman Hawkins, Benny Carter ou Rex Stewart pour ne citer qu’eux. C’est bien sûr ce fond de commerce swing qui fait aujourd’hui son succès populaire auprès du (grand) public, au même titre que le dixieland ou le gospel, souvent catalogués comme lui dans le jazz-à-papa.
Marie Joannon et ses compères assument crânement cette référence au populaire – Django lui-même a fait ses premières armes dans les dancings – en reprenant les belles pages des chansons à succès, Piaf, Moreno, Nat King Cole ou Fitzgerald, mais aussi quelques perles de Gainsbourg comme cette Saison des pluies qu’avait déjà portée avec talent Marion Amirault accompagnée dans son trio « Sugarcoat » par un certain Olivier Calvet. Il est évident que le choix d’un bon nombre de textes en français n’est pas étranger au succès du concept, ce qui donne à penser que le succès outre-Atlantique des grands standards de Broadway n’est finalement rien d’autre qu’un amour populaire, plus près du radio-crochet que de l’opéra, loin du statut sacré qu’on voudrait lui donner en France. De là à conclure à un certain snobisme des vrais amateurs de jazz français …
Reste que le matériau-même peut rapidement finir en soupe, la recette de l’air des lampions ayant ses limites. A cet exercice-là, la qualité des arrangements, l’intelligence du répertoire et la justesse de la couleur sont bien plus indispensables qu’une seule dextérité flamboyante qui peut vite lasser. L’indispensable guitare rythmique est assurée sans faiblir par un Olivier Calvet très concentré, attentif au juste partage harmonique avec la contrebasse très chantante de Damiens Larcher qui fait la claque avec une énergie communicative. Adjoint à cette rythmique d’origine, l’apport de Nicolas Courtinot à la guitare lead se fait en souplesse, aussi à l’aise en chorus que dans les riffs alertes qu’il brode autour de la voix chaude de Marie.
Une musique facile diront certains. Et alors ? Ils rappellent à juste titre que les gens viennent aussi au jazz par les chaussettes, ce langage universel qui fait swinguer les jambes et claquer les doigts. Et si leur technique sait se faire oublier, habillée par le charme de la musique swing, les « Gipsy Circle » savent aussi suspendre leur public à quelques ballades dépouillées de toute beauté. Là où toute tricherie est impossible.
Small is beautiful ! Il n’y a pas d’art mineur. »
(article de François Robin dans le Jazz Rhône-Alpes du 10 mars 2014)